Le professeur Xavier Philippe a répondu aux questions des étudiants des Master 1 Droit public général sur le Master 2 Droit constitutionnel et droits fondamentaux.
Compte tenu de la diversité des modes d’enseignements en Master 2 (cours, séminaires, interventions de professionnelles), travaille-t-on en M2 de la même manière qu’en M1 (CM de 3h avec prise de note importante). Ou bien au regard du nombre d’étudiants, les cours se passent-ils différemment ? Cela suppose-t-il plus d’échanges ? Quelles sont concrètement les différences entre le M1 et le M2 ?
Il y a effectivement deux grands types d’enseignements : les cours et les séminaires (la majorité étant des séminaires). S’y ajoutent des conférences ponctuelles données par des personnalités extérieures.
Les cours : ces derniers sont limités aux effectifs les plus importants, mais sont différents de ceux suivis jusqu’alors. Le cours possède une trame à partir de laquelle l’enseignant dresse un panorama de la matière et la discute ; cependant, il existe toujours parallèlement des questions qui font débat. S’engagent alors des débats et un jeu de questions-réponses menant à une discussion, à la résolution de cas pratiques, à des échanges avec des professeurs invités qui assistent aux cours… Bref, ceci est complètement différent du cours d’amphithéâtre.
Les séminaires : il s’agit de l’étude d’une question particulière au sein d’une matière. On se situe ici dans la méthode d’enseignement entre la séance de travaux dirigés par son interactivité et le cours dès lorsqu’il s’agit de tirer les conclusions de la question étudiées. L’idée consiste à se focaliser sur une question pour l’approfondir. Les thèmes choisis varient en fonction de l’actualité, de leur difficulté technique, de leur caractère conceptuel ou théorique. Ces séminaires aident les étudiants à se former et à traiter les questions par eux-mêmes.
Le M2 est un diplôme qui apprend aux étudiants à se débrouiller par eux-mêmes mais qui oblige également à communiquer, à parler, à s’exprimer et faire valoir son point de vue…
Les notes de licence seront-elles prises en compte pour la sélection en M2, ou bien seules les notes du 1er semestre du M1 sont les seules réellement déterminantes ?
Toutes les notes depuis la licence 1 sont prises en compte. Il n’y a cependant pas que les notes qui sont prises en compte, c’est l’ensemble du parcours qui est regardé, sa progression, le choix des matières, les activités extérieures en lien avec le diplôme, comme par exemple l’engagement associatif. On ne sélectionne pas des numéros mais des personnes qui ont un parcours de vie universitaire et personnel
Les expériences extra-universitaires sont-elles valorisées (association, emploi) ?
En-dehors des notes, c’est donc tout le parcours qui est pris en considération, les engagements personnels, professionnels, associatifs, dans la vie publique ou politique par exemple. Ces éléments sont à mettre en exergue lors du dépôt de la candidature, que ce soient par exemple des expériences en droit constitutionnel ou auprès des autorités publiques, ou des activités extra-universitaires. Chaque expérience représente un point positif qu’il faut valoriser et faire connaître…
Est-ce qu’avoir réalisé une année de mobilité ou année de césure est un frein pour l’intégration du M2 (même si des cours de droit constitutionnel ont été tout de même suivis) ?
L’année de césure est fortement encouragée lors du parcours universitaire puisque cela permet de développer d’autres compétences, de découvrir d’autres univers que le sien. C’est un avantage personnel non-négligeable que d’avoir eu l’opportunité de partir à l’étranger ou d’avoir pu se confronter à des expériences professionnelles concrètes. Il en va de même pour les échanges Erasmus qui ne sont pas suffisamment gratifiés mais demeurent des expériences à l’étranger uniques et fortement encouragées. Elles ouvrent l’esprit.
La possibilité de faire une année de césure avant d’intégrer le M2 (2x 6 mois de stage) est-elle possible ?
Il est possible de réaliser une année de césure, mais les places ne peuvent pas être réservées (en général si l’étudiant a été sélectionné une première fois, il y a de fortes chances qu’il soit sélectionné de nouveau l’année suivante). L’année de césure est une réelle opportunité que les étudiants devraient saisir s’ils le peuvent, surtout s’ils n’ont pas encore en tête d’idée bien précise sur leur parcours futur.
Au second semestre, est-il possible de faire un stage, ou est-ce que la rédaction d’un mémoire est la seule option ? L’un est-il plus recommandé que l’autre ?
Les deux sont possibles, ce master 2 est un master indifférencié, il est possible de faire de la recherche ou un stage. Le choix entre l’un ou l’autre dépend des projets professionnels de chacun. Si une carrière universitaire est envisagée, il est plus judicieux de faire un mémoire. Mais s’il est plutôt envisagé de passer des concours, l’examen d’entrée au CRFPA, ou d’autres concours tels ceux pour devenir magistrat… il est plutôt recommandé de choisir le stage.
Cependant, lorsqu’un étudiant choisit de réaliser un stage, cela ne veut pas dire qu’il ne rédige pas de mémoire. Il y a deux types de mémoire : l’un de stage et l’autre de recherche.
Le mémoire de stage n’est pas un rapport sur les missions réalisées lors du stage, c’est plutôt un travail de recherche sur un sujet particulier travaillé pendant le stage (le nombre de pages demandés est moins important que pour le mémoire de recherche).
Quels sont les débouchés d’un master aussi théorique à part la recherche, ou l’enseignement ?
Ce master 2 ouvre sur différentes carrières mais reste en réalité très pratique. À la sortie de ce master, la plupart des anciens étudiants deviennent des professionnels du droit public spécialisés en droit constitutionnel et en droits et en libertés fondamentales.
Il y a environ 80 % de praticiens (dans les administrations, des avocats, et même dans la magistrature judiciaire).
Depuis quelques années, les enseignants incitent les étudiants à déborder un peu le cadre géographique des enseignements du master puisque les métiers du droit constitutionnel ne se limitent pas à l’espace franco-français ou même francophone. En effet, Il existe des opportunités de carrières au sein souvent d’organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales qui traitent des questions constitutionnelles (élaboration des constitutions, mise en place de systèmes électoraux etc.…).
Le spectre est donc très large, faire du droit constitutionnel permet d’accéder à de nombreux métiers du droit public et non pas uniquement de se cantonner à la recherche même si cela reste une possibilité dont je puis témoigner moi-même.
Comment sont choisis les directeurs de mémoire ? Peut-on avoir déjà déterminé notre sujet de mémoire avant l’intégration du M2 ?
Il y a une grande liberté ici. Le choix du directeur/directrice de mémoire repose sur un choix intuitu personae, il existe d’ailleurs un séminaire dédié à l’explication de ce choix (méthodologie de la recherche).
Chaque directeur de mémoire est différent, et nous avons tous des méthodes de direction différentes. Certains sont très libéraux et encadrent les étudiants en leur lassant une grande marge de manœuvre, d’autres sont plus directifs. Cela vaut aussi pour les étudiants qui peuvent désirer un cadre plus ou moins flexible en fonction de leur besoin d’autonomie lors de la rédaction de leur mémoire.
Dès lors, chacun doit prendre en considération ces éléments pour le choix de son directeur/directrice. Le plus important étant tout de même l’expertise dans un domaine donné, lorsque l’étudiant choisi son domaine de recherche, il faut se rapprocher d’un enseignant qui connaît bien ce domaine.
En termes de choix du sujet, il faut que ce dernier représente une construction rationnelle d’une question de droit susceptible d’être débattue et qu’il reste faisable dans le cadre d’un Master. Il est possible de proposer son propre sujet, mais il ne faut pas que ce dernier soit un sujet déjà été traité et il faut qu’il reste réaliste dans le temps imparti pour les études de Master 2. Il faut choisir un sujet qui reste traitable en 6 mois, et rentre dans le cadre d’une recherche reliée à l’une des thématiques du Master, même si en ce qui nous concerne elles restent très nombreuses.
Si l’étudiant a déjà une idée de sujet, il faut qu’il la défende tout en écoutant les conseils que l’on peut lui donner. On n’écrit pas un mémoire comme on écrit une thèse. Si en revanche, l’étudiant n’a pas d’idée, l’équipe pédagogique ou le directeur/directrice de mémoire peut proposer des sujets.
Le fait de n’avoir suivi qu’un cours de Droit constitutionnel en L1 puis de contentieux constitutionnel en M1 est-il un frein pour l’intégration du master ? Les notes du 2nd semestre seront-elles prises en compte et surtout la note de contentieux constitutionnel ?
Le droit constitutionnel même s’il n’a été étudié « officiellement » qu’en première année et en master 1 (certaines universités intègre des cours de droit constitutionnel en deuxième année) est en réalité étudié dans le cadre de nombreuses matières : droit administratif, droit des libertés fondamentales, droit du travail. C’est un tout, il ne faut pas s’arrêter aux titres des matières suivies, Potentiellement toutes les matières étudiées comportent une dimension constitutionnelle, il suffit de regarder les QPC transmises au Conseil constitutionnel pour s’en convaincre.
Les notes de droit public sont généralement regardées avec davantage d’attention que celles de droit privé mais c’est bien l’ensemble qui est apprécié. Un juriste de droit public est avant tout un juriste. Toute personne qui prétend à ce titre doit savoir ce qu’est un contrat, la cause de la demande en justice ou encore la ratification d’un traité. C’est une question de culture générale. Les notes du second semestre de contentieux constitutionnel peuvent être prises en compte si elles sont à disposition.
Combien d’étudiants en moyenne envisagent de réaliser une thèse à la fin du M2, et combien sont sélectionnés ?
Les étudiants qui veulent réaliser une thèse à Paris 1 doivent avoir une moyenne spécifique et une note d’au moins 14 au mémoire. Si le sujet est retenu, il faut ensuite être sélectionné pour bénéficier d’un contrat doctoral.
Le contrat doctoral est un emploi à durée déterminée (normalement, une thèse est réalisée en 3 ans avec une possibilité d’extension grâce au statut d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche). Chaque année un certain nombre d’allocations pour ces contrats doctoraux sont attribuées à la Section de droit public de l’École de droit de la Sorbonne. Ce sont ensuite les meilleurs sujets, les mieux défendus qui sont sélectionnées dans le courant du mois de septembre par l’école doctorale. Le nombre d’allocations de contrat doctoral dépend d’une année à l’autre.
Au sein de ces contrats doctoraux, on trouve également ceux de l’université (ceux de la section de droit public, et ceux de la direction de la recherche de Paris 1 ou tous les étudiants sont mis en concurrence), mais aussi ceux de la région. Certains financements spécifiques sont aussi disponibles.
Lorsqu’un étudiant souhaite réaliser une thèse, il est nécessaire qu’il sache pourquoi et dans quel but. Certains le font pour faire de la recherche, d’autres dans un but purement professionnel. Il existe en effet des financements spécifiques : les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE). Ces dernières offrent la possibilité aux entreprises de bénéficier d’une aide financière pour recruter de jeunes doctorants dont les projets de recherche, menés en liaison avec un laboratoire extérieur, conduiront à la soutenance d’une thèse. À l’issue de ce contrat, 90% des doctorants trouvent un emploi dans l’entreprise, l’association qui a signé la convention CIFRE avec l’université. Il faut toutefois trouver un partenaire qui l’accepte.
Quels sont les modalités d’examen applicables ?
Il existe trois modalités d’évaluation :
- La notation dans le cadre de chaque enseignement (liberté des Professeurs d’en définir les modalités : écrit, oral, travaux collectifs, etc.…) qui sont annoncés en début d’année.
- Un Écrit final de 5h (en avril-mai) portant sur les cours magistraux et la culture juridique générale.
- Un grand oral (début juin) : épreuve souvent redoutée en raison du fait que les étudiants ont peu eu l’occasion d’être interrogés oralement lors de leurs études. Telle est la raison pour laquelle a été mis en place une formation pour se préparer à cette épreuve (formation libre). Cette épreuve porte sur un sujet vaste qu’il faut présenter durant 10-15 minutes (après 1h de préparation) à travers un discours cohérent et juridiquement argumenté. Cette présentation est suivie d’une discussion (10-15 minutes) sur le sujet. Ici, ce n’est pas tant la connaissance qui est jugée, mais le raisonnement suivi, la cohérence et l’interaction entre les idées défendues et la capacité à répondre aux questions posées.
Quelles sont les éléments à mettre en avant pour parvenir à intégrer votre master ?
Il est nécessaire de mettre en avant les raisons d’avenir pour lesquelles l’étudiant souhaite poursuivre ce master dans son projet professionnel futur. À ce titre, le parcours mais surtout les perspectives d’avenir nous intéressent particulièrement. Il faut les inclure dans la lettre de motivation et souligner les raisons pour lesquelles ce master représente un choix cohérent pour mener à bien vos propres projets. Et surtout, il ne faut pas oublier que nous sélectionnons des étudiants qui s’intéressent au droit constitutionnel et à la protection des droits fondamentaux mais avec une certaine forme d’humanité. Cela est aussi important que les connaissances de fond.